En partenariat avec Edistat, ActuaLitté propose, chaque mois, l'émission Onde et chiffres, qui décrypte l'économie du livre. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les lecteurs se montrent plus curieux et cherchent à mieux connaître le pays et les principes de la politique de Vladimir Poutine. Dès la deuxième semaine de guerre, les ventes de livres sur ce sujet ont commencé à refléter ce besoin de comprendre, et la demande d’ouvrages en lien avec l’actualité s’est accrue.
UkraineUnderAttack – Dans un premier temps, on constate la hausse des ventes des deux romans de l’écrivain ukrainien Andrei Kourkov, publiés chez Liana Levi : Les Abeilles grises, traduit par Paul Lequesne, et Le Pingouin, traduit par Nathalie Amargier. Depuis le mois de février, la courbe des ventes du format poche de son roman culte Le Pingouin continue de monter. Ce roman a été bien accueilli dès sa parution en 2000. Mais les chiffres confirment que l’actualité internationale a eu un impact indéniable sur l’élargissement de son public.
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Le format poche — sorti en 2015 dans la collection Piccolo de la maison — affiche des ventes moyennes de 50 exemplaires par semaine depuis 2016. Et ce chiffre est multiplié par 18, et il atteint une moyenne de 900 exemplaires vendus par semaine ces trois derniers mois. Son dernier roman, Les Abeilles grises, paru le 3 février, a connu un très bon lancement : il figure dans le Top 50 des meilleures ventes des romans hors poche pendant 13 semaines, et 6 semaines, dans le top ventes nationales, à savoir, tous genres et formats confondus.
Du côté des « Essais et références », nous constatons également un engouement. Celui-ci se traduit par deux phénomènes : la redécouverte d’ouvrages déjà parus et l’attrait pour les nouveautés.
Concernant les nouveautés, depuis la fin février, plus de 20 ouvrages inédits ont été publiés sur l’Ukraine ou la politique de Vladimir Poutine.
Des revues, comme le numéro 484 d’Esprit, rassemblant des articles sous le titre « En Ukraine et en Russie, le temps de la guerre », jusqu’aux deux ouvrages — sortis en mars — Poutine, maître du jeu de Jacques Baud chez Max Milo et Poutine et l’Ukraine, les faces cachées de Vladimir Fedorovski chez Balland. Ce dernier s’est installé dès sa parution dans le Top « essais et références », restant trois semaines dans les meilleures ventes nationales tous genres et formats confondus.
Les deux derniers numéros, 39 et 40, de la collection Tracts des éditions Gallimard, « Ukraine-Russie, la carte mentale du duel » par Michel Foucher et « Poutine historien en chef » par Nicolas Werth, sont aussi consacrés au thème.
Sans oublier les deux titres de l’ex-agent du KGB, Serguei Jirnov : L’Éclaireur (paru le 3 mars aux éditions Nimrod) et son dernier ouvrage L’Engrenage (paru le 1er juin chez Albin Michel), qui s’installe désormais dans le Top ventes des essais et documents.
Et d’autres nouveautés ont fait leur apparition, dans des segments éditoriaux très éloignés des essais, mais non moins solidaires.
Dans un autre domaine, en avril arrivent Ukraine, cuisine et histoire chez La Martinière, dont une partie des bénéfices est reversée à aideukraine.fr, ainsi que Cuisiner simplissime et aider l’Ukraine de Jean-François Mallet chez Hachette Pratique. Tous les droits d’auteurs et bénéfices de l’éditeur reviennent à la Fondation de France pour son action en Ukraine. Ce « simplissime » est toujours dans le Top ventes du segment « vie pratique et loisir ».
Voilà pour les nouveautés, très engagées. Mais qu’en est-il de la redécouverte des ouvrages de fonds ?
Nous avons quelques exemples très représentatifs. Tout d’abord, les ouvrages de Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de littérature 2015, publiés en poche par les éditions J’ai lu et Actes Sud-Babel, sont réapparus sur les tables des librairies. Ensuite, évoquons le texte de Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, publié par Actes Sud en 2015. Le format poche paru en 2016 chez Babel a été bien accueilli, figurant pendant deux semaines dans les meilleures ventes du segment « essais et références ». Mais, depuis février, le public s’est élargi et les ventes se sont multipliées : ainsi, une édition augmentée est sortie en mars et le livre s’est réinstallé dans le Top ventes des essais et références.
Autre exemple : L’Ukraine entre deux destins de Pierre Lorrain aux éditions Bartillat. Selon nos estimations, bien que publié en février 2019, 70 % des ventes ont été réalisées ces trois derniers mois. Mieux encore, avec l’essai d’Alexandra Goujon, Ukraine, de l’indépendance à la guerre, paru en novembre 2021 aux éditions Le Cavalier bleu : près de 90 % des ventes ont été réalisées depuis la fin février 2022.
Et nous avons gardé le meilleur pour la fin.
Absolument : les petits éditeurs, comme les indépendants, se sont emparés du sujet de façon remarquable. Ils s’y sont intéressés bien avant que la situation dans le pays ne fasse la une des journaux. Outre ces titres, citons : Ukraine, le réveil d’une nation d’Alain Guillemoles, paru aux Petits matins en 2018 ; L’Ukraine, des origines au XXIe siècle de Francis Moncaubeig, paru en février 2019 chez Sutton, ou encore, Ukraine, une histoire en questions de Iaroslav Lebedynsky, paru la même année chez L’Harmattan.
Les évènements tragiques suscitent donc l’intérêt des lecteurs, entre mise en lumière d’auteurs ukrainiens, besoin d’analyses et élans de solidarité.
En effet, les publications continuent, par exemple au cours de ces dernières semaines, deux essais concernent le président ukrainien Zelensky : Volodymyr Zelensky : dans la tête d’un héros de Régis Genté et Stéphane Siohan paru aux éditions Robert Laffont ; et Volodymyr Zelensky : l’Ukraine dans le sang aux éditions du Rocher, par Gallagher Fenwick. Soulignons que les droits sont reversés au mouvement interculturel France-Ukraine.
Installé dans le Top ventes des « essais et documents », Pour l’Ukraine, un recueil des discours de Volodymyr Zelensky traduit par Raphaël Zyss chez Grasset : tous les profits iront à l’organisme de soutien au peuple ukrainien géré par l’ambassade d’Ukraine à Paris.
Et les publications se multiplient, la preuve en est que, pendant que je me préparais pour cet enregistrement, notre équipe m’a informée de la parution de l’ouvrage d’André Markowicz, LE traducteur de Dostoïevski et de Tchekhov (parmi d’autres), aux éditions du Seuil, le 3 juin dernier, sous le titre : Et si l’Ukraine libérait la Russie ?
Un voeu pieux...
crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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