L'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), chargé d'informer gouvernement et Parlement de la réalité des finances des collectivités, s'est penché sur les établissements de lecture publique. Bibliothèques municipales ont été passées au crible, pour dégager des indicateurs relatifs aux dépenses (et un peu aux recettes).
Le 12/02/2024 à 12:05 par Antoine Oury
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Publié le :
12/02/2024 à 12:05
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En s'appuyant sur des données de la Direction générale des Finances publiques et de l’Observatoire de la lecture publique du ministère de la Culture, l'OFGL a constitué un échantillon de 1032 communes, afin de limiter l'analyse aux cas où la commune est seule gestionnaire et en régie des bibliothèques sur son territoire administratif.
Cet échantillon consolidé ne rend pas compte des dépenses des communes de moins de 3500 habitants, mais présente sinon une distribution proche de celle du territoire : 60 % des communes de l’échantillon ont entre 3500 et 10.000 habitants, 6 % ont plus de 50.000 habitants. Les 1032 communes abritent 9 % des bibliothèques (1455) du territoire français (15.880 au total) et 24 % de la population française.
Observer les dépenses des communes est pertinent, lorsque l'on évoque les bibliothèques. 12.495 bibliothèques (79 %) du réseau de lecture publique français sont municipales : « En y ajoutant les 2 628 bibliothèques intercommunales (17 %), la quasi-totalité de ces établissements est gérée par le bloc communal », relève l'OFGL.
En 2022, communes et intercommunalités ont dépensé ensemble 1,7 milliard € pour le fonctionnement de leurs bibliothèques. Ce total s'élevait à 1,6 milliard € en 2019, soit une augmentation de 6,5 % en trois ans, « assez faible malgré un contexte de hausse générale des prix et de revalorisation salariale dans la fonction publique sur l’année 2022 ».
Sur l'échantillon en particulier, les dépenses de fonctionnement des bibliothèques représentent 2,4 % des dépenses de fonctionnement globales, une proportion relativement stable quelle que soit la taille de la commune. Dans le domaine des dépenses culturelles, les bibliothèques pèsent pour 26 % de l'ensemble, mais cette part moyenne a tendance à décroître avec la taille des communes.
Du côté des tailles de structures, elles sont aussi proportionnelles, sans surprise, à celles des communes elles-mêmes. « [L]es bibliothèques font en moyenne 336 m² dans les communes de 3500 à 5000 habitants contre plus de 1200 m² à partir des communes de plus de 20 000 habitants. La taille des structures augmente aussi nettement avec le niveau de centralité des communes », indique l'étude.
Les bibliothèques publiques ont, en quelques années, diversifié leurs fonds documentaires, mais aussi leur offre générale, proposant désormais aux usagers des événements, animations, ateliers et autres rencontres ou conférences. L'OFGL remarque que « plus la taille de la commune est importante, plus le nombre de prêts par passage diminue [...], suggérant que les fréquentations de la bibliothèque sont générées par d’autres activités que le prêt de documents ».
« Parallèlement, les fréquentations par habitant sont plus importantes dans les communes ayant des établissements de lecture publique de taille plus importante », souligne l'OFGL. Des constats qui peuvent s'expliquer par les profils sociodémographiques des habitants, une attractivité plus importante des équipements mieux dotés, ou encore la densité de population des communes.
Les dépenses de personnel sont le premier poste, dans les bibliothèques, puisqu'elles constituent 70 % de ces frais, « le reste correspondant principalement aux charges de sécurité sociale et de prévoyance (26 %), notamment les cotisations à l’URSSAF et aux caisses de retraites ». Si cette part semble importante, elle l'est, d'une manière générale, pour tous les services communaux. Plus la commune est grande, plus les frais de personnel représentent un poids important.
Concernant le personnel, 50 % des communes de notre échantillon déclarent entre 2 et 7,5 emplois salariés en équivalent temps plein (ETP) par bibliothèque. La médiane est à 3,9 ETP par bibliothèque et la moyenne à 7 ETP. Plus la commune est grande, plus le nombre d’ETP salariés par bibliothèque est important ; ce constat est à relier à la différence de l’offre (diversité des services et horaires d’ouverture).
– Rapport de l'OFGL
Derrière le personnel, le poste fournitures et achats (9 % des dépenses de fonctionnement) est indispensable pour le renouvellement des fonds et l'acquisition de nouveaux documents.
À partir des données du même échantillon, l'OFGL propose quelques indicateurs relatifs aux coûts de fonctionnement, en 2019 et 2022. Un coût médian est proposé pour chacun de ces indicateurs, mais il convient de souligner la forte disparité entre une bibliothèque d'une commune de petite taille et une autre, située dans une commune plus étendue.
En 2022, les communes dépensent en moyenne 431 €/m² pour leurs bibliothèques, un chiffre utile pour estimer une construction ou un éventuel agrandissement d'un équipement. Le coût/habitant médian en 2022 est de 26,4 €, en gardant à l'esprit que l'ensemble des habitants d'une commune ne fréquente pas la bibliothèque.
« [A]u sein d’une même strate de population, les dépenses par habitant augmentent avec le niveau de centralité de la commune », signale l'OFGL, puisque l'attractivité d'une bibliothèque et de son environnement attirera plus d'usagers. De la même manière, une amplitude horaire plus importante sera susceptible d'augmenter le coût par habitant.
Le coût moyen par inscrit est de 161 € pour les communes en 2019 (137 € de coût médian), proportionnel à la taille de la commune, tandis que le coût par document emprunté atteint 5,2 € en 2019 (coût médian).
Enfin, indicateur le plus pertinent face à la diversification des usages des bibliothèques, le coût par passage médian en 2019 s'élève à 11,6 €. Plus la commune est centrale, plus le nombre de passages aura tendance à augmenter, réduisant ainsi le coût par passage. Il ne prend toutefois pas encore en compte certains usages, notamment à distance (emprunt numérique, streaming vidéo), ou des propositions adressées à certains publics (comme le portage à domicile).
L'OFGL consacre une petite partie de son étude aux recettes des bibliothèques. 91 % des communes de l'échantillon inscrivent des recettes de fonctionnement aux budgets des établissements : celles-ci peuvent découler des inscriptions et abonnements payants, de la vente de biens (comme des livres désherbés) ou encore de la location d'espaces.
« Toutefois, bien qu’elles soient fréquentes, ces recettes tarifaires restent faibles au regard des charges de fonctionnement d’une bibliothèque », souligne l'OFGL, qui rappelle une des principales caractéristiques du service public de la lecture : sa gratuité (pour l'accès aux établissements, du moins).
302 communes ont été étudiées plus précisément sur leurs politiques tarifaires : pour 33 %, l'inscription et l'emprunt de tous les documents sont gratuits. Sur les 66 % qui mettent en place une tarification, 44 % gardent la gratuité pour les mineurs, 58 % proposent des tarifs réduits ou la gratuité pour certains critères sociaux. 76 % proposent un tarif différent selon la commune de résidence.
Hors collectivités pratiquant la gratuité totale, le prix moyen facturé à un adulte résidant dans la commune s’élève ainsi à 10 € par an, contre 19 € pour un adulte extérieur à la commune (ou au territoire). Le prix moyen pour un mineur résident s’élève à 1,6 € contre 7,5 € pour un mineur extérieur.
– Rapport de l'OFGL
Autre type de recettes, les subventions et dotations : 41 % des communes de l'échantillon en perçoivent. La dotation générale de décentralisation en représente une part importante, avec 60 millions € versés à des communes pour 856 projets et 33,5 millions € à des EPCI pour 292 projets, en 2022. Suivent ensuite les dotations des départements, des groupements de rattachement puis des régions.
Signalons enfin que différentes études se sont appliquées à évaluer l'impact socioéconomique ou l'impact général des bibliothèques... L'étude complète de l'OFGL est accessible ci-dessous.
Photographie : Bibliothèque municipale à Angers (illustration, jean-louis Zimmermann, CC BY 2.0)
1 Commentaire
Ribiata
14/02/2024 à 01:44
oui, une bibliothèque, ça coûte, tous ceux qui tapent sur les services publics en croyant diminuer leurs impôts nous le serinent assez.
Mais est-ce la question la plus intéressante ?
En tout cas, c'est une question biaisée posée car, posée ainsi de manière uniquement comptable, elle induit réponse : "une bibliothèque ça coûte et ça coûte (trop) cher"... bien sûr, comme tout ce qui ne fait que coûter !
La question la plus intéressante, c'est ce que ça rapporte. Car ça rapporte beaucoup ! Pas en recettes comptables. Mais en services valorisables et ceci dans de nombreux domaines : formation, loisirs, économie, social...
Heureusement, les bibliothécaires commencent à s'intéresser à la question. Cela enrichit l'argumentaire en faveur des bibliothèques. Les méthodes pour évaluer ces apports existent, les bibliothèques universitaires s'en servent déjà plus abondamment que les bibliothèques publiques. Au ministère de la Culture, le Service du live et de la lecture s'y intéresse.
Que les bibliothécaires elles-mêmes s'emparent de la question, comme à Sotteville-lès-Rouen par exemple, pour ne pas rester sur la défensive et démontrer positivement leur création de valeur !