Ce livre, Féminicène de Véra Nikolski, s’appuie sur une épistémologie déclarée. Les relations entre les femmes et les hommes sont visées dans la réalité sociétale et économique des différents moments historiques. Le point de vue est celui de la science : observer ce qui se passe et le dire. Quitter les appréciations morales, la pesée infinie (et bien souvent tendancieuse) des « dominations », des « exploitations ». Par Orélien Péréol.
Le 03/04/2024 à 17:22 par Auteur invité
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03/04/2024 à 17:22
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Nous sommes tous constitué de la moitié d’un homme et d’une femme. Après la conception, strictement égalitaire, la gestation échoit à la seule femme. L’homme, le père, peut accompagner sa femme pendant ce moment et rien, dans la nature, dans ce qui ne dépend pas de nous, ne l’y oblige.
La reproduction de l’espèce humaine, qui est dans le cœur des hommes des deux sexes, est une lourde tâche pour les femmes. Elles doivent accepter que le foetus grandisse en leur matrice pendant neuf mois et l’accoucher dans une douleur et un effort intenses. Pendant des siècles, jusqu’à la « Révolution industrielle », il a été nécessaire à l’humanité de faire beaucoup d’enfants, à cause d’une mortalité infantile énorme. Aussi d’une forte mortalité des mères à la naissance.
Il n’y a là de responsabilité de personne, il n’appartient ni aux femmes ni aux hommes de disposer de cet état des choses. S'ajoute à cette inégalité dans la procréation, une musculature moindre des femmes et vous trouverez les raisons objectives de la différence de pouvoir entre les femmes et les hommes dans la société.
Tout change quand ce sont les machines qui se mettent à exercer la force nécessaire au travail et quand une médecine qui soigne, qui sait voir à travers la peau... éteint cette nécessité de faire autant d’enfants pour maintenir et augmenter l’humanité sur Terre.
Dans le discours appelé féministe, il n’y a rien de tout cela. L’égalité des femmes et des hommes, qui se rapproche, est narré comme le fruit des luttes féministes, contrées fortement par les hommes. En fait, le féminisme apparait vraiment quand l’égalité est à portée de main, du fait de l’abondance des machines et des progrès de la médecine. Les féministes n’ont pas de partis, n’ont pas de programme, ne se présentent pas aux élections, elles sont nommées comme un groupe fort et uni, porteur d’une volonté d’égalité.
Les discours les plus admis sur la relation entre les femmes et les hommes se prennent pour « matérialistes ». Il s’agit en fait d’une analogie avec le marxisme (la femme est la prolétaire de l’homme, en substance). Alors que le féminisme rejette le corps, la biologie rejette toute conséquence sociétale de la différence sexuelle et des rôles sexués de la procréation. Tout commence à « la domination masculine », qui est inacceptable, « sans excuse, à la fois arbitraire et moralement condamnable » (p75).
Des figures de pionnières sont évoquées, toujours les mêmes, au moment de la Révolution Française, comme Olympe de Gouge, sans qu’il soit fait mention de leur appartenance aux classes privilégiées, sans qu’il soit fait mention de la coupure dans laquelle elles étaient par rapport aux femmes de leur époque. De la même façon, n’est pas traité, l’absence, ou la quasi-absence de féminisme entre cette période et la nôtre. Un médecin, comme Semmelweis, qui a organisé la prophylaxie des accouchements n’a aucune citation dans le récit du féminisme, alors que les bienfaits qu’il a apporté aux femmes sont énormes.
Véra Nikolski décrit deux féminismes, entre « faire » et « réclamer ». Le mouvement du côté du
« faire » colonise des corps de métier réservé aux hommes et vit l’égalité, le mouvement du côté du « réclamer » continue la lutte pour l’égalité (p.240), vue du côté du confort des femmes : on réclame l’égalité dans les postes de pouvoir (Assemblée nationale ou Conseils d’administration) mais non pour les éboueurs, les égoutiers, les camionneurs... (p.249)
L’esprit du féminisme s’éloigne toujours plus du faire (p.252). Le féminisme soutient un essor paradoxal des doléances (comme dans d’autres domaines de la société, où les geignards et les geignardes se font beaucoup entendre : leur vie est un enfer, et cet enfer est dû à d’autres qu’elles, dénoncés).
L’anthropocène, qui est bien d’une certaine façon un androcène, a permis de vivre plus longtemps, en bonne santé, sans avoir faim... etc. Personne n’a calculé l’effet d’une si grande ponction sur la planète, mais réduire la part de l’homme masculin au pire des conséquences de cet effort (comme le fait Sandrine Rousseau par exemple) n’est pas conforme à ce qui s’est passé et qui se passe encore.
Véra Nikolski remet les relations entre les femmes et les hommes dans le réel, dans ce qui se passe vraiment, et apporte une contribution essentielle et réaliste, praticable, à la nécessaire et désirable égalité, qui n’est pas loin d’être atteinte, sans qu’aucune satisfaction ne s’en manifeste jamais.
Paru le 03/05/2023
350 pages
Fayard
21,50 €
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7 Commentaires
Michel
03/04/2024 à 18:16
Excellent ouvrage. Aux remarquables première et troisième parties.
La première partie décrit les processus historico-industriels qui ont vraiment permis l'émancipation des femmes.
La troisième partie imagine ce qu'il conviendrait de faire si d'aventure les conditions matérielles du monde moderne n'étaient plus aussi florissantes.
La deuxième partie, la charnière de l'ouvrage, est fort discutable. Elle surfe sur la vague de l'effondrisme de nos sociétés "thermo-industrielles" en prenant pour argent comptant les prédictions du rapport Meadows. Foireuses les prédictions.
C'est sur cette base, donc, que s'interroge l'auteur : que vont devenir les droits des femmes acquis grâce au progrès technique si nous revenons à la charrue et à la charrette ?
Laetitia Pacareau
03/04/2024 à 23:20
Que peut bien signifier "les hommes des deux sexes" ??
Michel
04/04/2024 à 01:57
Les hommes au sens large, les êtres humains, j'imagine. Même si cette juxtaposition est surprenante - les hommes des deux sexes...
M'enfin. En ces temps de grande confusion, où par exemple le Planning familial fait de la com sur un homme enceint, il faut vraiment s'attendre à tout.
Laetitia Pacareau
05/04/2024 à 14:41
J'avais compris. C'est une formulation que les femmes n'acepteront plus. Mais je me demandais s'il ne s'agissait pas d'autre chose, en l'occurence. Vu le ton général de l'ouvrage.
Quant au Planning, il ne s'agissait naturellement pas d'un "homme enceint" mais d'un "HOMME TRANS", nuance. Il est temps de se renseigner un peu sur le sujet de la transidentitié (et non, PERSONNE n'a jamais dit que les hommes pouvaient être enceints, ni que le dimorphisme sexuel n'existait pas. Il est temps aussi de distinguer sexe et genre).
HEINRICH-GALI
11/04/2024 à 16:58
Formidable et inattendu. Seule une femme pouvait s'autoriser à dire ce que je pense depuis longtemps: il n'y a pas de manif des féministes la nuit pour demander la parité dans le travail de goudronnage des autoroutes, par exemple. Et lorsqu'une femme obtient un emploi chic, une emploi de pouvoir, un emploi de pointe, elle se fait remplacer par une nounou du peuple auprès de ses enfants: cette nounou ne revendique pas le bonheur d'être au travail dans la ville, elle préfèrerait souvent pouvoir rester chez elle s'occuper de ses propres mioches! Donc bravo à cette écrivaine bien courageuse Véra Nikolski d'affronter les vanités de notre temps.
Laetitia Pacareau
12/04/2024 à 14:02
Hahaha ! Vous n'avez strictement rien compris. On n'est pas sortis des ronces avec des mecs comme vous :-D
HEINRICH-GALI
15/04/2024 à 15:10
Hourrah! Vous avez compris qu'il restera encore des hommes qui ont aimé les femmes, vécu toujours avec elles, sans les comprendre, féministes ou pas.