Pasolini en clair-obscur

Guillaume de Sardes

« Je suis une force du Passé. Tout mon amour va à la tradition. Je viens des ruines, des églises, des retables d'autel, des villages oubliés des Apennins et des Préalpes où mes frères ont vécu. » Pier Paolo Pasolini

Pier Paolo Pasolini, c'est beaucoup de choses, parfois en même temps : poète, essayiste engagé (et non un intellectuel, dieu merci), romancier, journaliste, dramaturge, acteur, scénariste, et même grand cinéaste. C'est ce dernier office qui intéresse en particulier l'exposition du Nouveau Musée nationale de Monaco, Pasolini en clair-obscur (29 mars - 29 septembre).

Bien qu'il aimait à s'identifier en premier lieu comme « écrivain », c'est par ses films qu'il a captivé le grand public, et finalement les autres aussi. Le cinéma a porté ses idées politiques et ses intuitions spirituelles, jusqu'à devenir le cœur de son œuvre esthétique. Le beau livre qui accompagne l'exposition, publié chez Flammarion, se penche spécifiquement sur l'influence de l'art classique, mais aussi de ses contemporains, sur le visage de ses films.

Quels peintres ont inspiré le maître italien, de Caravage à Francis Bacon en passant par Pontormo, Pieter Claesz, Giorgio Morandi, Fernand Léger... Comment il a inspiré ses suivants aussi, ses années d'apprentissage à l'ombre du père, les débuts romains, le sacré dans son oeuvre, Accattone, Théorème, Salò... La postérité enfin, et la mort sordide.

Visionnaires et provocateurs, à l'opposé de l'arrogance, ses films sont des fresques qui racontent les fractures sociales, culturelles et sexuelles de l'Italie d'après-guerre. Cinéaste qui plonge la dague dans la plaie, Pasolini sait que le diable est le jumeau de dieu. Il mêle le sacré et le profane, le mythologique et le moderne, pour peindre des tableaux vivants de la condition humaine. Un de ces artistes-médecins.

Ce beau livre met en exergue toutes les facettes de cet homme perdu qui a décidé d'avancer, avec une riche iconographie et des textes savants.

Sa nostalgie pour l'Italie préindustrielle ne coupe pas Pasolini du présent. Ainsi porte-t-il sur l'avènement de la société consumériste un regard d'une lucidité douloureuse. Elle lui inspire son ultime film, le plus politique, Salò ou les 120 Journées de Sodome.

 

Par sa radicalité, Salò déborde le champ du cinéma et empiète sur celui de l'art contemporain. Plus qu'un cinéaste, Pasolini a été un expérimentateur, un créateur de formes nouvelles - c'est sans doute ce qui explique la multiplication des hommages que les artistes lui ont rendus et lui rendent encore.

 

- Le commissaire de l'exposition, Guillaume de Sardes

Une michronique de
Hocine Bouhadjera

Publiée le
12/04/2024 à 18:11

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Pasolini en clair-obscur

Guillaume de Sardes

Paru le 10/04/2024

224 pages

Flammarion

39,00 €